Mais bien qu’il ne siégeait pas au sein de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), baptisée par la suite « Union africaine » (UA), le Maroc ne s’est jamais désengagé de ses responsabilités vis-à-vis de son continent. Sa contribution ne date, d’ailleurs, pas d’aujourd’hui puisque bien avant le 25 mai 1963, date de l’adoption de la charte créant l’OUA à l’initiative de l’Éthiopie, le Maroc avait ce rêve d’une « Afrique unie ». Ce rêve, le royaume l’avait baptisé « Charte de Casablanca », qui constitue l’un des préludes à la création du noyau de l’UA. Entre le 4 et le 7 janvier 1961, le pays dirigé à l’époque par feu le roi Mohammed V organisait à Casablanca un mini-sommet d’Etats africains. Une rencontre à laquelle assistent des représentants de 7 nations. Il s’agit notamment de Kwame Nkrumah du Ghana, Modibo Keita du Mali, Amadou Sékou Touré de Guinée-Conakry, Jamal Abdel Nasser d’Egypte, Ferhat Abbas du gouvernement provisoire de la république algérienne et d’Abdelkader Allam qui représentait le roi libyen Idris Ier.
Une année avant cette rencontre, Mohammed V recevait en août 1960 Patrice Emery Lumumba, le leader nationaliste congolais. Son pays venait à peine d’arracher l’indépendance à la Belgique (30 juin 1960). Une occasion pour le souverain marocain de rassurer sur ses intentions de soutenir jusqu’au bout ses frères africains. Les déclarations tenues par Mohammed V avaient irrité à l’époque plusieurs pays occidentaux alors même que le continent africain était encore sous l’emprise coloniale:
Unité africaine, le rêve inachevé de Mohammed V
Un an et quelques mois après cette rencontre donc, feu Mohammed V présidait à Casablanca la conférence, manquée par Patrice Emery Lumumba qui se retrouvait dès septembre 1960 sous les verrous et qui devrait se pencher sur la situation du continent. « À l’époque le continent africain avait déjà franchi de grandes étapes sur le chemin de sa libération. La décolonisation amorcée souvent dans de regrettables convulsions se continuait péniblement, et partout l’on voyait des tentatives de maintenir, face à la vague de libération, les privilèges et les positions acquises par des subterfuges et des moyens détournés. » C’est ce qu’écrivait Ahmed Balafrej, ancien ministre des Affaires étrangères, dans un article intitulé « Le Maroc au seuil de l’indépendance économique », paru dans Le Monde Diplomatique.
Le conseilleur personnel du feu roi Hassan II reprend, par ailleurs, les objectifs de la Charte : « la liquidation du régime colonial, l’élimination de la ségrégation raciale, l’évacuation des forces étrangères de l’Afrique, l’opposition à toutes les ingérences étrangères, à toutes les expériences nucléaires et l’action pour l’unité africaine, la consolidation de la paix et de la sécurité en Afrique et dans le monde ». « La politique basée sur ces objectifs n’est dirigée contre aucun État, aucun continent, de même qu’elle exclut tout sentiment d’hostilité ou idée de discrimination », avait dit le souverain dans son discours d’ouverture de la conférence de Casablanca.
Sans s’étaler sur la rivalité entre le groupe de Casablanca et celui de Monrovia et les origines de ce dernier, l’histoire retiendra que les deux factions ainsi que d’autres groupes régionaux africains ont fusionné en 1963 pour finalement former une organisation continentale unie.
Portrait de Yassine Benargane
Journaliste Yabiladi.com