"J'ai la conscience tranquille de n'avoir commis aucun crime, aucune irrégularité. Je ne renoncerai jamais, je ne démissionnerai jamais", a clamé la dirigeante de gauche lors d'une allocution au palais présidentiel où elle venait de se réunir avec des juristes partageant son point de vue.
Une commission spéciale de 65 députés chargée de rendre un premier avis examine depuis vendredi à marche forcée une demande de destitution de l'opposition contre Mme Rousseff, dont la coalition parlementaire se délite dangereusement.
L'opposition de droite accuse la présidente d'avoir maquillé les comptes publics de l'Etat en 2014 pour minimiser l'ampleur des déficits publics et favoriser ainsi sa réélection.
Elle se serait ainsi rendue coupable d'un "crime de responsabilité" administrative prévu par la Constitution.
Cette demande ne repose sur "aucune base juridique", a riposté Mme Rousseff.
"Certains voudraient traiter ce processus comme si nous vivions dans un régime parlementaire où la suspicion suffit pour écarter un gouvernant. Mais nous vivons sous un régime présidentiel où la destitution ne peut être votée qu'en cas de responsabilité clairement démontrée".
Or si les maquillages des comptes publics ont bien été dénoncés par le Tribunal des comptes de l'Union (TCU) fédérale du Brésil en 2015, les preuves d'une implication directe de la présidente sont beaucoup moins évidentes.
"Je ne vais pas mâcher mes mots", a ajouté Mme Rousseff: "Ce qui est en train de se passer, c'est un coup d'Etat contre la démocratie".
- Majorité peau de chagrin -
La présidente est embourbée depuis sa réélection dans une crise politique aiguë, empoisonnée par les incessantes révélations du scandale de corruption Petrobras qui éclabousse sa majorité, alors que le Brésil est plongé dans sa deuxième année de forte récession économique.
Cette crise a pris des dimensions historiques ces deux dernières semaines, marquées par le rocambolesque bras de fer politico-judiciaire autour de l'entrée frustrée au gouvernement de son mentor et prédécesseur, Luis Inacio Lula da Silva, soupçonné de corruption dans le dossier Petrobras.
Trois millions de Brésiliens ont réclamé le départ de Dilma Rousseff dans les rues.
Le grand parti centriste PMDB, incontournable allié parlementaire de la coalition au pouvoir, lui-même éclaboussé au plus haut niveau par le scandale Petrobras, menace de claquer la porte du gouvernement dès la semaine prochaine.
Selon le quotidien O'Globo mardi, la gauche au pouvoir a calculé que le nombre de députés fidèles à la présidence serait passé de 240-250 il y a une dizaine de jours à un seuil critique d'un "peu plus" de 172 sur un total de 513.
Or la présidente aura besoin d'au moins 171 voix (un tiers) contre sa destitution au Congrès des députés pour éviter sa mise en accusation devant le Sénat qui aurait le dernier mot sur sa destitution.
La cote de popularité de la présidente stagne à un plancher historiquement bas de 10%. Selon un récent sondage Datafolha, 68% des Brésiliens souhaitent son départ.
Acculée, Dilma Rousseff avait nommé la semaine dernière l'ex-président Lula chef de cabinet de son gouvernement (quasi Premier ministre), comptant sur le talent politique de son mentor pour inverser la dynamique.
- Pots-de-vin pour le Mondial? -
Mais la justice a paralysé cette nomination, y voyant une manœuvre pour le faire échapper à la menace d'un placement en détention par le juge fédéral Sergio Moro, en charge du dossier Petrobras, qui a rendue publique l'écoute judiciaire d'une conversation entre Mme Rousseff et Lula renforçant ces soupçons.
L'ex-président s'est rendu lundi soir à Brasilia pour évaluer avec Mme Rousseff la situation politique et son cas personnel.
L'icône de la gauche brésilienne est suspendue à une décision collégiale définitive du Tribunal suprême fédéral (STF) sur son entrée au gouvernement, qui ne devrait pas intervenir avant la semaine prochaine.
Dans l'intervalle, il vit dans la crainte d'une arrestation par la police fédérale, qui a fait irruption mardi à l'aube dans son hôtel... dans le cadre d'un développement de l'enquête Petrobras qui ne le concerne pas.
Les enquêteurs visaient des dirigeants du groupe de construction Odebrecht impliqués dans des versements de pots-de-vin en échange de l'attribution de marchés.
L'un de ces marchés concerne la construction du stade Arena Corinthians de Sao Paulo, où avaient eu lieu la cérémonie d'ouverture et le premier match du Mondial-2014 de football.