Rejet.
Jusqu’à ce mois de février, où il décide de rentrer au Congo pour se présenter à l’élection présidentielle du 20 mars. La popularité de cet outsider se mesure alors autant à l’aune des foules qui remplissent ses meetings qu’à la virulence des réactions du régime. Lequel, dès son retour à Brazzaville, multiplie les harcèlements judiciaires, allant jusqu’à déterrer une vidéo censée prouver un projet de coup d’Etat fomenté par le général.
Depuis le 4 avril, il est de facto assigné à résidence, «sans aucune notification officielle», précise-t-il. Son seul tort ? Avoir contesté ce jour-là l’annonce de la réélection du président sortant, Denis Sassou-Nguesso, qui en pleine nuit et dans un pays brutalement coupé d’Internet, s’est déclaré vainqueur dès le premier tour avec 60 % des voix. Personne n’y a cru : ni les Etats-Unis, ni l’UE, ni la France n’ont voulu féliciter «le vainqueur» , surnommé «Monsieur 8 %» par l’opposition, qui a compulsé ses propres résultats, plaçant Mokoko en tête.
«Je savais dès le départ qu’il y aurait des tricheries. Sassou a modifié la Constitution pour se représenter. Ensuite, il a anticipé l’élection de plusieurs mois. Reste qu’aucun candidat ne pouvait gagner dès le premier tour, le rejet du système est trop flagrant»,dit l’opposant de Sassou-Nguesso. Lequel cumule plus de trente ans à la tête d’un pays doté de fabuleuses ressources, mais où la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour (88 centimes d’euros). «Ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’est la coupure de toutes les communications, la capitale encerclée et quadrillée», avoue Mokoko. Il a aussi entendu parler de l’envoi d’hélicoptères pilotés par des mercenaires ukrainiens et burundais pour bombarder la région du Pool (sud-est). «Une région martyre où se déroulent des massacres à huis clos, soupire-t-il. Une chape de peur s’est imposée au pays : les gens sont indignés, mais ils n’osent plus protester publiquement.» Cette répression ne suffit plus pour imposer le retour à la normale : selon la Lettre du continent, éditée à Paris, «le bras de fer Sassou-Mokoko fait fuir les patrons et influe sur l’économie du pays».
Mission.
«S’il affirme qu’il a gagné les élections, est-ce moi qui l’empêche de gouverner le pays ?» ironise Mokoko, dont l’isolement a été interrompu la semaine dernière par deux visites inattendues : celle de Jean-Yves Ollivier, un homme d’affaires français proche de Sassou et faisant parfois office de diplomate de l’ombre. Puis celle de l’ambassadeur de France Jean-Pierre Vidon. Ces émissaires venaient-ils lui apporter le soutien de la France, ou du moins tenter une médiation ? Si ce fut le cas, elle semble très orientée. «Jean-Yves Ollivier s’est présenté chez moi en affirmant qu’il était chargé d’une mission par les autorités françaises», dit Mokoko, ce que démentent l’Elysée et l’intéressé. «Il m’a expliqué que la France allait reprendre sa collaboration avec Sassou et qu’elle ne soutiendrait plus l’opposition», ajoute le général reclus, précisant que «c’est Ollivier qui [lui] a annoncé la visite de l’ambassadeur, dont le discours est allé dans le même sens». Les deux émissaires auraient exigé, en vain, une lettre de l’opposant reconnaissant la victoire de Sassou. «Je ne vais pas dire le contraire de ce que j’ai toujours dénoncé, tranche le général. S’il m’arrive quelque chose, de toute façon, on saura d’où ça vient.»