Le coup aura duré trois jours : prévenue de la situation, la ministre des Arts, du Tourisme, de la Culture et de la Francophonie, Gisèle Pana s’est rendue sur place lundi soir et a demandé à ce que le trône soit dégagé. Peu après, un camion procédait à son retrait.
Un attroupement s'est constitué autour du trône lundi, certains demandant son retrait, d'autres souhaitant qu'il reste là.
L’objet historique a été pillé de son or et de ses diamants à la chute de l’empereur en 1979. Il a depuis été entreposé dans les sous-sols du Palais Omnisport, puis placé dans une cour à l’abri des regards, au sein de ce même lieu.
Plusieurs de nos Observateurs ont pu confirmer qu’il était cependant toujours accessible à n’importe qui. Certains ont même pu nous faire parvenir des photos d’eux s’asseyant sur le trône, sans en être empêchés.
"On n'a pas informé les autorités, on a juste voulu agir pour créer le débat"
Comment la structure de ce trône s’est-elle retrouvée sur la voie publique ? France 24 a pu contacter Héritier Doneng, le représentant d’une association se présentant comme "Les patriotes centrafricains", à l’origine de cette initiative. Il explique :
Notre objectif en sortant ce monument et en l’exposant publiquement, c’est d’éduquer les nouvelles générations au patrimoine centrafricain. Beaucoup ne connaissent l’empereur que de nom et savent peu de choses sur lui. C’est l’un des seuls éléments qu’il nous reste de son héritage, sa place est dans un musée. On en a eu assez de le voir à l’abandon dans une cour en friche. On a donc décidé de mettre de la peinture jaune or dessus, pour remettre ses couleurs d’origine [sic] et montrer qu’une telle pièce devait être vue de tous.
Héritier Doneng ajoute que l’initiative vient d’une cinquantaine de membres de son association, et affirme ne pas avoir "d’objectif politique". Il confesse :
Nous n’avons pas informé les autorités, nous avons juste voulu agir. Ce n’est qu’un premier pas qui, nous l’espérons, poussera les autorités à prendre leurs responsabilités et à créer le débat.
Contacté par France 24 , le directeur général des Arts et de la Culture pour le ministère de la Culture, Philippe Bokoula, découvrait au moment de notre appel la présence de la statue sur l’avenue des Martyrs. À chaud, il a expliqué :
Je suis estomaqué par ce que je viens de découvrir. Ce n’est pas comme ça qu’on attire l’attention des autorités, nous aurions dû être informés de cette initiative. Ici, sur la voie publique, l’objet est à la merci de n’importe qui et pourrait être endommagé.
Nous étions au courant que l’objet était au Palais Omnisport et nous cherchions la possibilité de le déplacer dans un lieu culturel. Par manque de moyens jusqu’ici, nous n’avions pas pu transporter cet objet, car il est très lourd et nécessite des moyens logistiques importants. Sous le gouvernement de transition [de janvier 2014 à avril 2016, NDLR], la Culture était rattachée au ministère de la Jeunesse, des Sports et du Tourisme, et dans le cadre de la reconstruction du pays, ce n’était malheureusement pas la priorité du gouvernement.
Le trône de Jean-Bedel Bokassa ne serait pas le seul à souffrir du manque de moyens des autorités centrafricaines. Nos Observateurs qui ont pu se rendre se rendre sur les lieux affirment que la cité de Berengo, qui fut le siège de l’empire, ou encore le musée Boganda, ancienne résidence du premier président centrafricain Barthélémy Boganda à Bangui, seraient partiellement laissés à l’abandon.