Tout d'abord une ingérence d'influence anglo-saxonne. En effet, les Etats-Unis, en particulier sous l'administration Obama, ont développé une doctrine de soft power. Celle-ci ne repose pas sur la puissance de l'Etat en tant que telle mais sur des Ong et en particulier des Ong de défense des droits de l'Homme.
Parallèlement à cette évolution majeure des Etats-Unis, la notion même des droits de l'Homme a évolué. Toujours sur l'impulsion des mêmes Etats-Unis ! Ainsi, la dénonciation de la torture, des arrestations arbitraires ou des procès iniques, qui sont traditionnellement associés à la notion des droits de l'Homme, est de plus en plus challengée par la notion de société civile qui revendique du développement humain.
Sans surprise, les Etats-Unis (et leurs alliés idéologiques) ont jeté leur dévolu sur deux zones stratégiques aussi bien en termes d'influence géopolitique que d'approvisionnement énergétique : le Moyen-Orient et l'Afrique.
Pour Laotravoz.info, il ne fait guère de doute qu'Alfredo Okenve -aussi sincère soit la perception qu'il a lui-même de son combat - s'inscrit dans cette tendance de fond. Il est en quelque sorte un vecteur de cette stratégie d'influence occidentale qui veut imposer sa norme de par le monde comme étant la seule acceptable.
Mais cet impérialisme normatif a subi un sérieux coup de frein avec l'élection de Donald Trump qui, par sa diplomatie hasardeuse, a permis l'émergence d'un véritable multilatéralisme : retour majeur dans le grand jeu de la Russie de Vladimir Poutine, mainmise progressive sur les enjeux monétaires par la Chine, émergence d'un soft power économique turc très agressif, apparition de nouveaux dragons asiatiques tels que le Vietnam...
L'Afrique n'est pas en reste et est partie prenante de cette révolution mondiale en marche.
A titre d'exemples, on peut citer l'émergence de la Guinée Equatoriale comme future puissance gazière et sa montée en puissance comme player clé pétrolier, l'émergence des tigres économiques éthiopien et rwandais, la confirmation du non alignement sud-africain...
Libre à Alfredo Okenve et à ses défenseurs de miser sur l'ancien monde. La Guinée Equatoriale et ses dirigeants, eux, ont les yeux rivés sur l'avenir.
La seconde ingérence ensuite.
La France et l'Allemagne ont donc décidé de décerner un Prix franco-allemand des droits de l'Homme et de l'Etat de droit à Alfredo Okenve. C'est leur stricte liberté. Notons au passage que l'ancienne ambassadrice des Etats-Unis à Malabo, Julie Furuta-Toy, voulait, elle aussi, distinguer Alfredo Okenve. Ce sont finalement deux pays européens qui s'en sont chargés...
Mais, plus étonnant, les ambassadeurs de ces deux pays ont demandé au Président Obiang Nguema Mbasogo que ce Prix soit décerné en Guinée Equatoriale alors que, sous couvert de revendications de la société civile, Alfredo Okenve se livre, depuis 2015, à une critique virulente du système.
Le piège apparaît, évident pour Laotravoz.info : pousser les autorités de Guinée Equatoriale a purement et simplement interdire la cérémonie et à embastiller Alfredo Okenve. Mal vu. Les autorités ont préféré informer les deux ambassadeurs qu'elles ne cautionnaient pas la validité du Prix car elles ne connaissaient pas les critères de sélection des lauréats.
Pour la Guinée Equatoriale, le profil d'Alfredo Okenve ne correspond pas à celui d’un défenseur des Droits de l’Homme tel que le reconnaît la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies. Dans ses interventions, il est question de thèmes de gestion économique et de politiques gouvernementales telle que la transparence dans les industries extractives.
Résultat : ce sont les deux ambassadeurs qui, d'eux-mêmes, ont préféré reporter la cérémonie.
Plus globalement, Laotravoz.info soupçonne que cet embroullamini diplomatique cache des desseins plus obscurs. Comment, en effet, ne pas penser que l'objectif était de favoriser l'émergence d'un nouveau leader de l'opposition politique en Guinée Equatoriale, de surcroît aligné sur la doctrine américaine ?
Il est vrai que, quand on voit le champs de ruines que représente l'opposition, surtout en exil, la tentation doit être grande dans certaines chancelleries occidentales. Mais elle ne passe pas inaperçue, que cela leur soit dit.
G.CADEMO