Nostalgique d’un passé colonial que nombre d’équato-Guinéens ont effacé de leur mémoire, du moins ceux qui l’ont connu, Severo Moto a, par ailleurs, prôné, lors de cet entretien, un retour du Colon pour redresser la Guinée équatoriale. Pour lui, elle est en déshérence et orpheline du joug espagnol.
Ces propos ne peuvent que choquer tant la communauté des équato-Guinéens que les observateurs des développements dans ce pays au cours des vingt dernières années. Pour dire qu’à travers le propos de Severo Moto, tout montre qu’il n’a pas d’informations sur ce qu’est devenu son pays aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qui explique sa propension à la généralité et au flou artistique.
L'ancien séminariste dans l'Espagne des années 60 est rentré en Guinée équatoriale en 1971. Il s'est intégré, a travaillé comme journaliste à la radio-télévision nationale et a même été un propagandiste zélé du régime du Président Macias qui a jeté sur les routes de l'exil 200 000 équato-guinéens. Sans oublier la centaine de civils innocents assassinés, selon les ONG internationales des droits de l'homme. A cette époque, Severo Moto ne s'est pas exilé pas plus qu'il n'a dénoncé ces atrocités. Non, avant de partir s'installer en Espagne de son plein gré en 1980, il a même rejoint le premier gouvernement qui a suivi le renversement de Macias Nguema Biyogo.
Mais la forme de gouvernance que prônait cet homme à cette période était très loin d’une idée d’ouverture à la démocratisation du pays. Pour lui, la dictature devait se poursuivre. Il militait même pour les pires violations des Droits humains avec, ni plus ni moins, l’élimination physique de certains collaborateurs de l’ancien régime. Ce qui était loin de conjuguer avec l’idée d’ouverture et de réconciliation de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, successeur de Macias Nguema Biyogo.
Ainsi, l’on s’aperçoit au fil du temps que Severo Moto n’a pas changé de logiciel. Et que ces idées d’alors ne contrastent pas du tout avec ses positions du moment. Pour lui, l’élimination physique des gouvernants actuels ainsi que de tout individu, y compris au sein de l'opposition, qui ne partage pas sa ligne politique est la clé de sa solution pour ce pays pourtant très ouvert au monde et où des visiteurs peuvent témoigner du contraire par rapport au tableau de terreur que dépeint continuellement Severo Moto.
Dès lors, on saisit toute la portée de sa pensée sur ce qu’il aurait fait de la Guinée équatoriale s’il avait réussi à s'accaparer le pouvoir lors de son putsch raté commis en 2004 avec le mercenaire Simon Mann. L’on peut donc en déduire que son idée de la gouvernance du pays se construisait autour du retour au fouet, de la petite échoppe du commerçant espagnol, et pourquoi pas du recours au travail forcé assorti de l’exploitation des ressources naturelles, sans partage avec les autochtones sauf à gaver une petite élite composée certainement des membres du Parti du Progrès (PP).
Lorsque Severo Moto laisse croire que tout est à refaire en Guinée équatoriale, cela ne peut ne pas renvoyer à l’état des infrastructures dans ce pays. Si le chef du PP avait cherché à nourrir son intervention d’un minimum d’objectivité plutôt que de haine et de rancœur, il aurait apporté des arguments plus constructifs adossés aux réalités des développements sur tous les plans qui se sont produits en Guinée équatoriale au cours des deux dernières décennies. Si tout était à refaire dans le tissu sanitaire, Severo Moto aurait dû expliquer la prochaine étape dans ce domaine par rapport aux réalisations de l’heure, qui pourtant sont une référence tant dans la sous-région d’Afrique centrale qu’au-delà.
Si, dans l’esprit de Severo Moto, tout était à refaire dans les infrastructures routières, en lieu et place du maillage actuel du pays en routes et autoroutes modernes, qu’aurait pu proposer Severo Moto de mieux à ce réseau qui n'a rien à envier aux voies de communication des pays occidentaux ? La Guinée équatoriale, il y a une vingtaine d’années était classée parmi les pays les plus pauvres de la planète. Sans infrastructures dignes. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Ce pays a su créer un contraste entre son passé douloureux marqué d’une part par la colonisation et, d’autre part, par la dictature de Macias, et la période de libération qui démarre officiellement à partir du 3 août 1979.
La découverte du pétrole a servi de catalyseur au développement sur tous les plans. Cela est visible dans ce pays où subsiste encore les infrastructures laissées par le colonisateur. Il est regrettable que le portrait que Severo Moto Nsa offre à ses nombreux interlocuteurs ne soit composé que des fresques d’une Guinée équatoriale très ancienne. C’est une tendance à l’opprobre qui n’honore pas.
Tout est-il si à refaire que ça dans un pays où trois campus universitaires modernes ont été érigés permettant aux jeunes équato-Guinéens de faire leurs études chez eux sans avoir à s'instruire en Espagne comme l'a fait Severo Moto ? Oui, l’on peut se dire qu’il subsiste encore des réalisations à poursuivre. Que dans l’éducation, des filières sont à ajouter et d’autres à adapter. Mais lequel des voisins de ce pays qui a amorcé son développement il y a tout juste vingt ans, peut-il se targuer des mêmes infrastructures que lui ? C’est un sujet sur lequel l’on voudrait entendre Severo Moto.
La crédibilité d’un homme politique procède du regard objectif qu’il a sur les faits. Mais aussi de sa vision. Il convaincra encore en ayant un projet clair qui suscite l’adhésion. Le dénigrement permanent et les velléités putschistes qui sont le décorum de tout l’agencement politique de Severo Moto lassent autant qu’ils ne sont guère porteurs d’avenir pour la Guinée équatoriale. La vieillesse intellectuelle, dans de nombreux cas, peut s’avérer un réel naufrage.
Diaspora Africaine en France