
Un contexte qui se veut différent
L’apparition d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), suite à la crise libyenne et de Boko Haram dans le nord du Nigeria, constituent des menaces graves pour la stabilité de la région sahélienne et celle du lac Tchad. Avec son lot de fléaux à savoir le terrorisme, le trafic de drogue, la traite d’êtres humains, l’immigration clandestine, etc.

Une rivalité franco-américaine, surtout dans le Sahel, matérialisée par la mise en place de différentes bases militaires.
Quant au phénomène de la piraterie dans la corne de l’Afrique, elle touche à l’une des routes maritimes et commerciales les plus fréquentées du monde, reliant l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Une menace qui a nécessité une réponse concertée autour du Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes somaliennes (GCPSC), tout comme la création de certaines forces maritimes telle que la force navale européenne (EUNAVFOR). Ainsi qu’à la création de nouvelles bases navales (en plus celles déjà existantes) à savoir la base navale chinoise à Djibouti, ou encore la base turque en Somalie.
Un phénomène maritime qui a fini par s’étendre aux eaux du Golfe de Guinée en Afrique de l’Ouest, où il est en constante augmentation depuis 2012. Selon la fondation One Earth Future, les attaques armées contre des bateaux ont connu une hausse de près de 76% entre 2015 et 2016 dans cette région riche en ressources énergétiques et qui est devenue l’épicentre de la piraterie maritime sur le continent.
Contrer l’influence grandissante de la Chine et des puissances émergentes
A la veille d’une tournée d’une semaine dans cinq pays africains (Ethiopie, Djibouti, Kenya, Tchad et Nigeria), le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a estimé, le 6 mars, que l’engagement de la Chine en Afrique « met en danger la stabilité économique et politique » de ce continent.
« Une fois associée à la pression politique et fiscale, l’approche de la Chine en Afrique met en danger les ressources naturelles du continent et sa stabilité économique et politique à long terme », a-t-il déclaré lors d'un discours prononcé en Virginie.
« L’approche de la Chine en Afrique met en danger les ressources naturelles du continent et sa stabilité économique et politique à long terme »,
De tels propos cachent, en fait, l’inquiétude du pays de l’oncle Sam – ainsi que d’autre pays occidentaux - face à la montée en puissance de la Chine dans les relations économiques et commerciales avec le continent.

L’ours russe n’est pas en reste de ce jeu d’influence. En effet, bien qu’ayant un niveau d’échanges assez faible avec le continent, la Russie a décidé de l’inscrire parmi les « priorités russes en politique étrangère », comme l’a souligné récemment Sergueï Lavrov. Une déclaration faite juste avant le démarrage d’une tournée qui l’a conduit dans cinq pays africains (Angola, Namibie, Mozambique, Zimbabwe et Éthiopie) en vue officiellement d’intensifier « les liens sur plusieurs axes, trouver de nouveaux terrains pour des efforts communs dans les domaines commercial et économique, scientifique, technique, humanitaire et d'autres encore ».
La Russie a décidé d’inscrire l’Afrique parmi les « priorités russes en politique étrangère », comme l’a souligné récemment Sergueï Lavrov.
Renforçant, par ailleurs, sa coopération militaire avec des pays tel que l’Algérie, l’Egypte, l’Angola, l’Ouganda, le Zimbabwe, l’Afrique du sud, l’Ethiopie, ou encore le Mozambique, la Russie tente actuellement une incursion en Afrique centrale. Ceci, depuis la livraison d’armes destinées à équiper deux bataillons de l’armée centrafricaine (1300 hommes), avec à l’appui 200 instructeurs des forces spéciales russes.
Omar El Bechir a émis le souhait de voir s’installer une base russe sur son territoire pour « se protéger des actions agressives de Washington ».
Pour sa part, le président soudanais, Omar El Bechir, a émis le souhait, lors d’une récente visite à Moscou, de voir s’installer une base russe sur son territoire pour, dit-il, « se protéger des actions agressives de Washington ».
Une Afrique qui cherche encore ses marques
L’augmentation de la présence des forces militaires étrangères sur le continent résulte en partie de la fragilité des Etats africains ainsi qu’à la faiblesse structurelle de ses nombreuses armées.
En effet, à l’exception notable de certains pays qui tentent d’assurer leur sécurité essentiellement par leurs propres moyens parmi lesquels figurent notamment l’Egypte, aux prises avec l’Etat islamique dans le Sinaï, l’Algérie, avec la menace terroriste dans le sud de son territoire, ou encore le Cameroun et le Nigeria avec Boko Haram, beaucoup d’autres tels que le Mali, le Niger, la Centrafrique ou encore la Somalie ont besoin de l’appui d’autres forces, notamment étrangères à l’Afrique.
En effet, comme c’est d’ailleurs le cas pour le fonctionnement de l’Union africaine dont le budget reste largement dépendant de l’aide des partenaires internationaux (à hauteur de 73,79% en 2017), les opérations de maintien de la paix en Afrique sont largement tributaires de l’aide des partenaires extérieurs au continent.

Pour preuve, l’opérationnalisation de la force militaire conjointe des pays du G5 Sahel (Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad, Mauritanie) a été retardée, faute de financements suffisants. Là encore, ce sont les partenaires extérieurs qui sont sollicités, tant en terme de financements qu’en matière d’appui logistique. Ainsi, après plusieurs rounds de discussions, ce sont 414 millions d’euros annoncés sur les 423 millions d’euros nécessaires pour financer la force militaire du G5 Sahel pour 2019, lors d’une conférence internationale tenue à Bruxelles, le 23 février dernier. Avec pour donateurs, l’Union européenne, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la France, les Etats-Unis, et les Etats du G5 eux-mêmes.
Dans l’attente de la Force Africaine en Attente
S’inscrivant dans le cadre de l’Architecture de paix et de sécurité africaine (Apsa) et prévue dès la constitution de l’Union Africaine en 2002 dont elle est censée être le bras armé, la force africaine en attente (FAA) n’est toujours pas opérationnelle. Repoussé à maintes reprises depuis 15 ans, faute de financement, le lancement de la FAA se fait encore attendre.
En 2015, un premier exercice d’entrainement de soldats d’une douzaine de pays africains avait eu lieu en Afrique du Sud, laissant croire à un démarrage imminent de cette force de réaction rapide panafricaine.
En 2015, un premier exercice d’entrainement de soldats d’une douzaine de pays africains avait eu lieu en Afrique du Sud, laissant croire à un démarrage imminent de cette force de réaction rapide panafricaine. Toutefois, ce n’est qu’en janvier dernier que la première base logistique de cette force installée sur deux sites de 10 et 15 hectares a été inaugurée à Douala au Cameroun.
Initialement la FAA doit être composée de cinq brigades disposant chacune de son propre commandement et correspondant aux cinq communautés économiques régionales (CER) du continent : Afrique du Nord, de l'Ouest, centrale, australe et de l’Est.
Ces brigades interarmes doivent regrouper des unités commandos, de cavalerie blindée, d’infanterie, d’artillerie, du génie, du train, des unités médicales, des gendarmes ou de la police militaire. Ceci pour un effectif allant jusqu’à 6000 hommes fournis par les pays membres de la CER.
En plus de sa brigade en attente, chaque CER est censée avoir un élément de planification permanent au sein d’un quartier-général.
De manière à pouvoir réduire les délais d’intervention, l’UA décide de créer une force d’action rapide, la Capacité de déploiement rapide (CDR) qui correspond à un contingent de 2500 hommes fournis par CER, détaché de sa brigade en attente.
Ainsi, comme c’est le cas déjà en ce qui concerne la mise en œuvre de réformes devant instaurer l’indépendance financière de l’UA vis-à-vis de ses partenaires extérieurs, l’opérationnalisation de la FAA devrait constituer un autre chantier majeur du nouveau président en exercice de l’Union Africaine, le rwandais Paul Kagamé.
Certes, cette force ne permettra pas forcément de résoudre tous les problèmes sécuritaires du continent, mais elle pourrait se présenter comme un début de maitrise, par les Africains, de leurs défis en matière de sécurité, et à une première réponse face à cette présence grandissante des forces militaires étrangères en Afrique.
Borgia Kobri (Ecofin Hebdo)