Mvomeka’a. Personne ne parlerait de cette bourgade perdue dans la forêt équatoriale du sud du Cameroun si elle n’était la résidence quasi permanente du président Paul Biya. Ces dernières semaines, il n’est réapparu dans la capitale, rayonnant, qu’à deux reprises : le 19 avril, pour rencontrer Samantha Power, l’ambassadrice américaine à l’ONU, et le 2 mai, le temps de sauter dans un avion pour Abuja, au Nigeria, où il était attendu en visite officielle.
Les yeux restent braqués sur le palais d’Etoudi, dans l’attente d’une décision qui ne vient pas. Même le 20 mai, jour de fête nationale, le président ne prendra pas la parole.
Peu de certitudes quant à l’avenir politique du pays ?
Paul Biya, 83 ans – dont trente-trois années au pouvoir -, aime faire durer le suspense : candidat ou non à sa propre succession, modification constitutionnelle ou statu quo, présidentielle anticipée ou non… On l’attend de pied ferme, mais le chef de l’État prend son temps pour trancher, indifférent aux pressions qui l’incitent à avancer l’élection prévue en 2018 et à faire acte de candidature pour qu’enfin les couteaux des clans rivaux rentrent dans leurs fourreaux.
Silencieux, aussi, sur la promesse de créer un poste de vice-président qui pourrait devenir son successeur constitutionnel – promesse faite notamment à Ban Ki-moon et à quelques partenaires étrangers inquiets de l’avenir peu lisible du pays.
S’il ne convoque pas l’Assemblée nationale en session extraordinaire d’ici à juin ou juillet, alors il ne se passera rien. Le président ira à la fin de son mandat en 2018 et, dans ce cas de figure, il ne fait aucun doute qu’il se représentera
« L’élection présidentielle camerounaise de 2018 est certaine, mais encore lointaine, a-t-il éludé le 3 juillet 2015 lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue français François Hollande, en visite au Cameroun. Nous avons le temps de réfléchir et, le moment venu, les Camerounais comme tout le monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite. »
Tôt ou tard, le chef de l’État devra officialiser ses intentions. « S’il ne convoque pas l’Assemblée nationale en session extraordinaire d’ici à juin ou juillet, alors il ne se passera rien. Le président ira à la fin de son mandat en 2018 et, dans ce cas de figure, il ne fait aucun doute qu’il se représentera », décrypte un politologue.
Des appels à candidature incitent Paul Biya à se présenter à sa succession
C’est sans doute le scénario souhaité à la fois par ceux qui craignent une guerre des clans et par les partisans du statu quo. C’est le cas de Cavaye Yéguié Djibril, 76 ans, président de l’Assemblée nationale depuis vingt-quatre ans. Le 6 novembre, il a fait lire au cours du journal télévisé une « motion de soutien et de déférence » demandant au chef de l’État de se représenter.
Quelques semaines plus tard, le 8 janvier 2016, Martin Belinga Eboutou, directeur du cabinet civil de la présidence, a lancé à son tour un appel à candidature. À Yaoundé, il ne fait alors plus de doute que, si ce proche collaborateur du président s’y met lui aussi, la cause est entendue. L’establishment du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) est convaincu que la manœuvre est directement inspirée par le « patron ».