Cette intervention militaire avait pour but de stopper la marche vers la capitale Ndjamena du groupe de l’Union des forces de la résistance (UFR), dirigée par Timan Erdimi, un membre de la famille présidentielle qui s’oppose au pouvoir central d’Idriss Deby. Leur objectif était de prendre le pouvoir par un coup d’état en partant de la Libye.
La France avait-elle le droit de procéder à cette action militaire qui soulève la question générale de la légalité des interventions militaires françaises en Afrique ?
Le Tchad fait partie des pays qui ont été les premiers à ratifier des accords de défense avec la France dès l’indépendance. Ainsi, le premier texte militaire qui lie les deux pays avait dans ses articulations une clause qui donnait le droit à la France d’intervenir au Tchad pour rétablir l’ordre ou en cas d’agression extérieur.
Cependant, en 1976, cet accord de défense est abrogé et remplacé par un simple accord bilatéral d’assistance logistique et de renseignement. Celui-ci précise, dans son article 4, pour éviter ou empêcher une intervention militaire française du type de l’accord post indépendant que : « les personnels militaires français servent dans les forces armées tchadiennes avec leur grade.
Ils revêtent l’uniforme tchadien ou la tenue civile suivant les instructions de l’autorité militaire technique (…) ils ne peuvent en aucun cas participer directement à l’exécution d’opérations de guerre ni de maintien ou de rétablissement de l’ordre ou de la légalité ».
Le texte de 1976 demeure toujours en vigueur et est très clair et précis sur les limites de la présence militaire française au Tchad.
Par conséquent les justificatifs français selon lesquels ils sont intervenus pour « éviter un coup d’état » comme l’a déclaré Jean Yves le Drian le 12 février devant le parlement, ne coordonnent pas avec l’accord technique et sont de ce point de vu infondés et illégales.
L’action militaire française au Tchad est une double violation non seulement de l’accord militaire entre les deux pays mais aussi de la chartre des Nations unies qui dans son article 2 réitère le principe de non-interventionnisme qui interdit à un Etat tiers de participer aux affaires militaires intérieures d’un autre Etat.
La France qui manifesterait par cette action militaire au tchad son désaccord à la prise de pouvoir par les armes a pourtant aidé et soutenu Idriss Deby dans son coup d’état contre Hissen Habré en 1990. Elle a aussi avalisé et aidé l’accession au pouvoir par cette méthode en Afrique puisque la plupart des présidents africains aujourd’hui avec lesquels elle traite sont arrivés par coup d’état soit électoral ou militaire.
Pour contourner l’accord de 1976, Emmanuel Macron aurait solliciter selon les explications des autorités françaises, une lettre qui lui permettrait d’avoir une base légale pour agir. Autrement dit, il avance qu’ils ont agi sous la demande express du président Tchadien. Cette lettre ne pouvait trouver sa légalité que si le premier accord de défense était encore en vigueur. Or, il a été abrogé en 1976. Sur quelle base juridique la France a-t-elle donc agi ?
Au regard de toutes ces activités illégales au Tchad, dans les pays du pré carré français et autres, les soupçons d’accords secrets entre la France et les chefs d’état africains persistent. Ces accords qui les autoriseraient à voler au secours des dictateurs africains lorsqu’ils se retrouveraient en danger contre leur peuple.
Si ces accords existent vraiment, ils soulèvent aussi une question de légalité dans la mesure où ils ne sont pas ratifiés devant les deux parlements respectifs.
Assisterait-on encore au reniement des déclarations des autorités françaises à la fin des années 90 qui annonçaient une redéfinition de la politique militaire de la France en Afrique et un abandon de ces méthodes interventionnistes ? Ces nouvelles orientations qui avaient été confortées à la suite de l’implication sévèrement critiquée de la France dans le triste conflit rwandais et qui a conduit la France à parler désormais de non-ingérence dans les affaires internes des pays africains et à revoir la plupart des accords de défense avec ces dits pays dans le sens de ne plus faire y figurer la clause qui les autorise à y intervenir militairement.
Il avait été aussi question durant cette période de mettre à la portée du public ces éventuels accords secrets. Jusqu’à présent rien n’a été fait.
Ce qui est sûr c’est que l’élite tchadienne et africaine dénoncent avec véhémence ces opérations françaises en Afrique qui alimentent un sentiment antifrançais fort.
Libre propos d'un tribun de la plèbe
Dr Mireille Flore MENGUE MOTO